Ils se rencontrent à dix ans,
s’embrassent à douze et sont follement amoureux à dix-huit.
Caleb Deering est le capitaine de
l’équipe de natation et l’élève le plus séduisant de l’école. Il vient d’une
famille aimante avec un père gentil et une mère attentionnée, mais stricte, qui
lutte contre un cancer du sein. Nico Caro est petit et beau, avec un père qui
régente tout d’une poigne de fer – littéralement.
Un matin, Caleb s’oublie et
embrasse Nico sur les lèvres à l’école. Un professeur les voit et les envoie
chez le directeur. Leur coming out accidentel pourrait être le moindre de leurs
problèmes, parce que la bombe lancée par l’appel de l’établissement à leurs
parents pourrait tuer Nico. Face à ce danger très réel, Caleb sait qu’il doit
endosser une seule mission : assurer la sécurité de Nico.
~*~
CHAPITRE UN : LE PIRE DES DÉSASTRES
De nos
jours
La
sonnerie annonçant l’heure du déjeuner retentit et Caleb quitta précipitamment
son siège. Une fois dans le couloir, il sortit son téléphone portable de sa
poche et relut le message de son père. Bon
sang, je suis vraiment dans la merde ! Il accéléra ses pas jusqu’à son
casier et pria pour que Nico l’y attende. Il tourna au coin du corridor et
fouilla du regard la foule des étudiants animés. Nico n’est pas là. Merde ! Il avait besoin de le trouver, et
vite. Il trottina vers son placard, fit tourner la serrure à combinaisons et
l’insulta dans sa barbe lorsque le loquet refusa de remonter. Il insista et dut
s’y reprendre à trois fois avant de pouvoir ouvrir ce fichu casier. Vas-y doucement, Caleb. Ce n’est pas la fin
du monde. De qui se moquait-il ? C’est
un putain de désastre.
Les
étudiants qui passaient devant lui, lui adressaient de drôles de regards. À
présent, ils savaient. Merde, où diable
est Nico ?
—
Hey ! lança Liam avec désinvolture, tandis qu’il le rejoignait.
Caleb
retourna un doux « hey ».
—
Que se passe-t-il, mec ? murmura-t-il.
Caleb
ne savait pas quoi répondre, alors qu’il claquait la porte et se tournait vers
lui.
—
Qu’as-tu entendu ?
—
Ils disent que tu as embrassé Nico.
Caleb
croisa le regard interrogateur de Liam. Hormis Nico, Liam était son meilleur
ami. Cela ne servirait à rien de lui mentir. Grâce à Monsieur Higgins, la
rumeur s’était déjà répandue. Il acquiesça une fois de la tête.
—
Ouais ? C’est vrai ? Tu es gay ?
Caleb
prit une profonde inspiration et expira, relâchant un souffle tremblant.
—
Ouais.
—
Sérieusement ?
Il
passa une main nerveuse dans ses boucles blondes.
—
Ouais.
Liam
lui envoya une claque dans le dos.
—
Sans déconner ? Tu aurais pu me le dire !
Caleb
soupira de nouveau, juste un tremblement dans l’air.
—
Désolé. Je n’ai jamais su comment l’avouer à quelqu’un.
Liam
lui adressa un sourire chaleureux.
—
Ouais, tu dois te sentir vraiment bizarre, mon pote. Vas-tu à l’entraînement
aujourd’hui ?
Cela
surprit Caleb.
—
Tu es d’accord avec ça ?
—
Complètement. À chacun ses goûts. Et Nico est un gars super.
Caleb
laissa échapper un énorme soupir de soulagement.
—
Merci, mec.
—
Pas de problème. Vas-tu t’entraîner aujourd’hui ? répéta Liam.
—
J’en doute. L’école a appelé mon père. Il viendra me chercher après les cours.
—
Auras-tu des ennuis ? Nous avons les finales d’État samedi et tu es notre
capitaine. Nous dépendons de toi, Caleb.
Ce
dernier afficha un sourire qui n’atteignit pas ses yeux. Cela constituera un
sérieux obstacle.
—
Ça ira pour samedi. Peux-tu diriger les exercices pour moi aujourd’hui ?
—
Sans soucis. Envoie-moi un texto ce soir quand la sentence sera rendue. À tout
à l’heure, à notre table pour le déjeuner ?
—
Je ne crois pas. Je dois trouver Nico.
—
Ouais, d’accord. Tiens-moi au courant.
—
Okay. Liam ?
—
Ouais ?
—
Merci.
Liam
agita une main tandis qu’il s’éloignait.
Cela
s’était définitivement mieux passé que prévu. Liam avait toujours été cool
cependant, et un excellent ami. Quant au reste du monde ? En général, les
gens étaient pénibles.
Caleb
s’inquiétait pour Nico, parce qu’il avait du mal à supporter les
confrontations. Il avait peur, la plupart du temps. Il ne se sentait en
sécurité que lorsqu’il se trouvait auprès de Caleb. Il devait absolument le
retrouver. Maintenant ! Il se
mit à courir dans le couloir, se frayant un chemin à travers la foule des
étudiants. Une fille gloussa et posa une main sur sa bouche en le désignant.
Celle qui se tenait à côté d’elle éclata de rire. Elles savaient. C’est un putain de désastre !
Caleb
tourna au coin d’un autre corridor et ne put apercevoir Nico à son casier. Merde ! Il avait éducation physique
juste avant le déjeuner. Il sortit du bâtiment et se dirigea vers le gymnase.
Il vérifia entre chaque rangée de casiers des vestiaires, en vain. Bon sang, où diable est-il ?
—
Nico, tu es là ? appella-t-il, se dirigeant vers les douches et
franchissant la porte.
Il
se trouvait là, accroupi, le visage enfoui entre ses mains, en pleurs.
—
Ah, merde ! lâcha Caleb, entre ses dents, le prenant dans ses bras.
Un
sanglot étranglé échappa à Nico tandis qu’il serrait ses bras autour de la
taille de Caleb.
—
L’école a contacté mon père. Il viendra me chercher après les cours.
—
Je sais. Ils ont appelé le mien aussi.
—
Mon père va me tuer, Caleb.
Celui-ci
grimaça aux paroles de Nico, tout en caressant les boucles qu’il aimait
tellement. Le père de Nico était dangereux, une personne dont on devait se
méfier.
—
Mon paternel lui parlera.
—
Que va-t-il nous arriver ?
—
Le pire que l’école puisse faire, c’est nous suspendre.
—
Non… je veux dire… entre nous ?
Caleb
souleva son menton, du bout de ses doigts.
—
Que veux-tu dire par « nous » ? Nous allons très bien. Rien ne
nous arrivera, ni à toi ni à moi.
—
Tu ne vas pas rompre avec moi ?
Un
brusque éclair de douleur traversa le cœur de Caleb. Comment Nico pouvait-il
même imaginer une telle chose ?
—
Nicolò, bébé,
n’y pense même pas. Je t’aime. Depuis toujours et à jamais. Dans quelques mois,
nous partirons pour l’université et tout cela sera derrière nous.
Il
déposa un chaste baiser sur les lèvres de Nico.
—
D’acc’.
Nico
poussa un long soupir tremblant et l’étreignit avant de s’écarter. Il essuya les
larmes qui coulaient de ses yeux avec ses mains, puis se dirigea vers un lavabo
et se rinça le visage avec de l’eau fraîche.
—
Je mourrais si je te perdais, Caleb.
Celui-ci
glissa ses doigts dans les boucles de Nico.
—
Chut, rien de tel ne se produira. Jamais. Ça va aller.
Nico
coupa l’eau et tendit la main vers une serviette en papier.
—
Que va dire ton père ?
—
Il pensera que c’est une mauvaise nouvelle, mais il est plus facile que maman.
Allons déjeuner. Tu as besoin de manger quelque chose.
—
D’acc’. Les gens parlent déjà.
—
Je sais. Monsieur Higgins ne pouvait évidemment pas garder sa grande bouche
fermée. Liam m’en a touché un mot et je lui ai avoué la vérité. Il est d’accord
avec ça.
Nico
leva les yeux vers lui tandis que Caleb le guidait par le coude afin de sortir
de la salle de douches.
—
Vraiment ?
—
Ouais. Cela ne lui pose pas de problème.
***
Caleb
relut le message de son père une dernière fois avant que la cloche sonne,
mettant fin à son dernier cours. L’école
a appelé. Attends-moi sur les marches de devant à 15 heures. Il ne savait
pas ce que l’établissement avait raconté à son père, et il ne désirait pas être
celui qui le lui apprendrait. Seigneur,
comment ai-je pu être assez stupide pour embrasser Nico à l’école ?
C’était
juste arrivé. Ils s’étaient toujours montrés si prudents là-bas, mais il
l’embrassait depuis près de six ans et il n’avait pas réfléchi. Cela lui avait
simplement paru naturel de le faire avant qu’ils se séparent pour rejoindre
leurs classes respectives. De toutes les personnes de l’école, Monsieur
Higgins, le professeur de maths pervers, devait être celui qui les avait
surpris. Tout ce qu’ils avaient échangé n’était qu’un simple effleurement de
lèvres. Ils ne s’étaient même pas roulé une pelle. Monsieur Higgins avait réagi
comme s’ils avaient été pris en flagrant délit. Il les avait réprimandés de bon
cœur avant de se précipiter vers le bureau du directeur. Caleb ne savait pas à
qui il en voulait le plus, à lui-même ou à Monsieur Higgins. Merde, quel putain de désastre !
C’était
la première fois en ses presque dix-huit ans d’existence qu’il se retrouvait
plongé dans les ennuis. Il eut soudain une pensée horrible : une
suspension le ferait expulser de l’équipe de natation. Il avait travaillé dur
pour devenir capitaine, nageant tous les après-midi après les cours, pendant
près de trois heures. Trois heures qu’il aurait pu passer seul avec Nico. Trois
heures de plus par jour où Nico aurait pu être en sécurité. Un sentiment de
peur et d’anxiété serrait son cœur et son esprit tourbillonnait d’une crainte
croissante. Quel putain de
désastre !
La
cloche sonna et il bondit littéralement de son siège. Il retrouva Nico près de
son casier cette fois. Il était pâle et ses yeux étaient gonflés par ses
larmes.
—
Tu vas bien ?
Nico
acquiesça.
—
J’ai eu droit à des commentaires désagréables, rien d’autre.
Des
étudiants les observaient tandis qu’ils passaient devant eux. Certains firent
des remarques grossières.
—
Viens, finissons-en avec ça, dit doucement Caleb.
Il
émergea sur les marches du perron du lycée le premier et chercha la voiture de
son père. Il ne la vit pas. Par contre, il repéra Monsieur Caro qui se
dirigeait vers l’école, sa fureur l’entourant comme un nuage. Automatiquement,
les élèves s’écartaient lorsqu’il les dépassait. Caleb se faufila à travers les
doubles portes.
—
Ton père arrive dans l’allée.
Nico
hocha la tête une fois et se redressa. Caleb l’admira. Bien que son ami soit
terrifié par son père, il refusait de montrer sa peur. Nico tendit une main
pour pousser les doubles portes, mais Monsieur Caro les ouvrit en premier. Nico
se retrouva face à face avec son père. Celui-ci adressa un regard cinglant à
Caleb, puis se tourna vers Nico à qui il lança quelques mots en italien qui
semblaient cruels. Il saisit son fils par le haut du bras et le traîna
littéralement dans le couloir en direction du bureau du directeur. Caleb voulut
se précipiter vers lui. Son cœur se fendit en deux tandis qu’il se retournait
vers la porte. Quel putain de
désastre !
Son
père fronçait les sourcils à travers la vitre alors qu’il atteignit le bâtiment
et Caleb franchit les portes. Monsieur Deering le salua d’un geste de la tête
et indiqua un des bancs en béton installé sous les arbres, de l’autre côté de
la pelouse. L’air entre eux était incroyablement épais, d’une tension
perceptible lorsqu’ils s’assirent et tout ce que Caleb voulait, c’était ramper
dans un trou et mourir. Son cœur se crispa. Il avait rarement déçu son père qui
s’était très peu mis en colère contre lui. Voire, jamais. Il fixa Caleb avec
une expression déterminée avant de lui demander ce qui se passait.
Monsieur
Deering se pencha vers lui.
—
Caleb ? Ils m’ont appelé et m’ont dit que tu étais en difficulté pour…
pour avoir tripoté un autre gars. C’est vrai ? Que tu as fricoté avec un
autre garçon ?
Caleb
se racla la gorge avant de répondre d’un « oui » presque inaudible.
Son
père soupira longuement.
Pour
son fils, c’était comme si toutes les déceptions au monde étaient contenues
dans ce soupir. Une larme traîtresse s’échappa de son œil et il l’essuya d’une
main rageuse.
—
En as-tu parlé à maman ?
—
Je voulais en discuter avec toi en premier.
Après
une opération et un an de chimiothérapie, sa mère était désormais guérie du
cancer. Cela avait été une année en enfer pour elle. Pour eux tous. Ce n’était
donc pas le bon moment pour découvrir que son fils presque parfait et hétéro
s’entendait plus que bien avec son meilleur ami.
—
Ouais, d’accord.
Il
ne savait pas quoi répondre d’autre.
Monsieur
Deering se pencha en avant, posa les coudes sur les genoux et se frotta le
visage de ses mains.
—
Tu as embrassé un autre garçon ?
—
Oui.
Le
mot était sans équivoque.
—
Tu ne faisais pas que te défouler ? J’avais l’habitude de faire des
conneries quand j’étais enfant, alors je comprends.
La
voix de son père contenait la pointe de gravité qui allait de pair avec le
procureur qu’il était.
Caleb
ne pouvait pas regarder la lueur de colère présente dans les yeux de son père
tandis qu’il essuyait encore une fois ses paumes moites sur son jean.
—
Non.
Il
déglutit difficilement. Je ne suis pas
prêt à lui en parler, songea-t-il douloureusement. Je ne suis simplement pas prêt.
Les
doubles portes s’ouvrirent et Caleb jeta un coup d’œil à travers la pelouse.
Nico descendit les marches d’un pas hésitant tandis que Monsieur Caro lui
lançait un regard furieux. Il aperçut l’horrible meurtrissure sur la joue de
son ami et sa colère monta en flèche. Il comprit que son père l’avait frappé.
Encore… Il observa le géant maussade qui dominait Nico alors qu’ils passaient
devant eux, et voulut frapper Monsieur Caro.
L’ombre
d’un sourire traversa les lèvres de Nico avant qu’il forme les mots « je
vais bien » de ses lèvres. Son père le saisit et lui claqua l’arrière de
la tête, puis le poussa vers sa voiture.
Caleb
remarqua la surprise fugace qui traversa les traits de son père à la vue de
Nico, juste avant de le reconnaître et qu’une lueur de compréhension traverse
ses yeux.
Monsieur
Caro s’arrêta de marcher quand il vit le père de Caleb se lever du banc.
Monsieur Deering avança vers lui et tendit une main.
—
Angelo, c’est bon de vous revoir.
Celui-ci
serra sa main.
—
Idem, Michael. Je suis désolé pour les problèmes causés par mon Nico. Je vais
lui filer une bonne leçon.
Une
étincelle d’empathie emplit les yeux de Monsieur Deering quand il aperçut la
joue de Nico. Il posa une main réconfortante sur son épaule et la serra
doucement.
—
C’est inutile, Angelo. Il n’a rien fait de mal.
Son
commentaire surprit Caleb, mais il n’eut pas le temps d’y penser, parce que
Monsieur Caro répondit :
—
Occupez-vous de votre Caleb. Je prendrai soin de mon Nico.
Cela
ressemblait à un ordre. Il poussa Nico vers la voiture et le suivit dans
l’allée.
Monsieur
Deering tendit le bras vers son fils, un mouvement inhabituel chez son père
d’habitude si professionnel et flegmatique. Caleb se leva rapidement du banc et
son père posa une poigne réconfortante sur sa nuque, avant de le guider vers la
voiture.
Caleb
jeta un coup d’œil à Nico et entraperçut la terreur affichée sur les traits de
son visage. Il voulut se précipiter vers lui, afin de le sauver du sort qui lui
était certainement réservé.
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