Declan
de Quirke écoutait les mises en garde habituelles de sa mère concernant son
premier jour d’école tandis qu’ils se dirigeaient vers l’Académie Saint-Joseph
surprotégée pour son entrée en terminale. Il était assis en face d’elle dans le
monstre qu’ils appelaient leur voiture. La limousine avec des vitres à
l’épreuve des balles était devenue un élément permanent dans leurs existences
diplomatiques depuis que son père américain était mort dans une explosion de
voiture à Londres, il y a neuf mois. Sa mère était une belle petite fleur
irlandaise avec un sourire radieux, le tout enveloppé dans un mètre soixante de
papier de verre. Ses brillants yeux bleu saphir irradiaient sa peau d’un blanc
crémeux tandis qu’elle le sermonnait, repoussant une mèche de cheveux d’un noir-aile
de corbeau derrière une oreille. Declan sourit intérieurement. Elle n’était
toujours pas habituée à sa nouvelle coupe de cheveux. Si ce n’était pas pour sa
taille et sa carrure, ils auraient pu passer pour des jumeaux. Enfin, excepté
que ses cheveux à elle n’étaient pas aussi bouclés que les siens.
—
Et ne fais pas de grandes déclarations au Directeur Brassington, déclara
sèchement Sorcha, son accent irlandais aussi épais que toujours lorsqu’elle
était sérieuse.
Declan
sourit, en connaissance de cause, et elle rougit.
—
Oh, Declan, je ne voulais pas le dire dans ce sens-là, et tu le sais. Seigneur,
tu es vraiment un emmerdeur !
—
Je croyais que les ambassadeurs n’étaient pas censés jurer.
Il
adorait taquiner sa mère. Elle possédait un grand sens de l’humour et pouvait
prendre et renvoyer tout ce qu’il lui balançait.
Le
sourire de Sorcha jaillit, tout air sérieux ayant disparu.
—
T’avoir pour fils m’a jetée dans les abîmes de la morale désintégrée. À
présent, tu n’as plus qu’un an à faire en tant que lycéen épouvantable et tu
pourras aller à l’université. Profites-en pour te donner en spectacle,
veux-tu ? Je mérite d’être acclamée comme une mère parfaite.
George,
leur chauffeur personnel de longue date, avança la voiture dans l’allée
circulaire, le son des pneus de la voiture étant étouffé par les vieux pavés.
« Brooklyn Baby » de Lana Del Rey finissait de passer à la radio et
Declan se pencha à travers la banquette pour embrasser la joue de sa mère avant
de sortir. Puis, à travers la vitre ouverte, il embrassa le bout de son doigt
et le déposa sur son nez.
—
Ouais, maman. Je t’aime. À ce soir.
Sorcha
prit son visage en coupe et lui adressa un sourire adorateur.
—
Mon beau garçon.
***
Declan
avait été inscrit à l’Académie Saint-Joseph à Alexandrie, Virginie pour sa
troisième et sa seconde. Il avait été transféré chez lui, en Irlande pour sa
première, mais sa mère avait pensé qu’un changement de décor était à l’ordre du
jour quand son père avait été assassiné, donc ils étaient revenus aux
États-Unis pour sa terminale. Être le fils de deux ambassadeurs, un américain
et un irlandais rendait sa vie intéressante et Declan se demanda ce qui lui
arriverait cette année. Tout était bizarre dernièrement et devoir apprendre à vivre
avec un système de sécurité extraordinaire, des gardes du corps et l’attention
des médias, tout cela avait rendu l’année écoulée encore plus insupportable.
Declan
refermait la porte de son casier tandis que le quatuor le plus populaire et le
plus formidable de l’école approchait, mené par Mason Brassington, le fils du
directeur et le roi de la casbah. Mason était un superbe grand blond aux yeux
bleus. L’incarnation suprême du sportif américain. Ethan Paddington était plus
mince, une version plus petite, mais identique. Jacob Straus était également
plus petit que Mason, avec des cheveux noirs et des yeux bruns. Caleb Travois
était de petite taille et robuste, avec de longs cheveux ondulés qu’il gardait
tressés dans son dos. Sa perpétuelle peau dorée et ses yeux verts lui donnaient
une apparence de surfer californien.
—
Hey, de Quirke, tu es de retour ! s’écria Mason en approchant.
—
Hey !
Declan
serra les mains de chacun d’eux.
—
Tu vas rester ici jusqu’à la remise des diplômes ou quoi, mec ?
—
Pas si je peux l’éviter.
Mason
éclata de rire et cogna – pas si doucement – l’épaule de Declan.
—
C’est super que tu sois de retour, mec.
—
Désolé pour ton père, mon pote, déclara Caleb, tapant de son autre côté.
—
Ouais, les gars. C’est dur, acquiesça Ethan.
—
Sacrément, ajouta Jacob.
Ne
désirant pas en parler, Declan changea de sujet.
—
Merci. Jusqu’où vont tes cheveux maintenant, Caleb ?
—
Jusqu’à ma taille.
Declan
cogna son poing contre le sien.
—
Toujours ton défi silencieux ?
Caleb
hocha la tête avec un sourire en coin.
Declan
jeta un coup d’œil à son papier d’enregistrement.
—
Vous allez en classe, les gars ? J’ai le professeur Lowe.
Mason
agita le document du bout de son doigt.
—
Nous aussi. Viens. Tu dois jeter un coup d’œil aux poulettes. Nous avons
quelques nouvelles anglaises cette année. Juste ton type.
Ou pas, pensa Declan.
—
Allons voir tout ça !
L’enthousiasme
féroce de Mason irrita Declan.
***
—
Prenez vos places désignées, mesdemoiselles et messieurs. Par ordre alphabétique.
Cela ne devrait pas être trop difficile, déclara le professeur Lowe, par-dessus
le vacarme des étudiants amassés dans la salle de cours.
Declan
trouva l’étiquette à son nom et se glissa sur le siège à gauche du pupitre qui
était prévu pour deux. Il avait de la chance cette année et avait obtenu une
place côté fenêtre. Encore mieux pour ses rêves éveillés.
Mason
atterrit sur une chaise derrière lui – depuis
quand le B venait-il après le D ? Il se pencha sur le bureau, vers
Declan.
—
Regarde un peu, mec. Il y a beaucoup de nouvelles chattes cette année,
murmura-t-il à voix haute.
Declan
grimaça autant au langage vulgaire qu’à la perspective. Faisant semblant d’être
intéressé, il suivit le regard de Mason jusqu’à ce que ses yeux se fixent sur
une rouquine plantureuse. Il aurait pu la trouver mignonne s’il avait apprécié
les filles. Ses yeux survolèrent la pièce. Des blondes, des brunes, des
grandes, des petites, des maigres et des plus enrobées. Bien qu’il n’ait jamais
été avec un gars, il avait fait son coming out auprès de ses parents l’année
précédente. Son père n’avait pas été ravi, mais sa mère avait été cool à ce
sujet. Néanmoins, Declan le gardait pour lui, à l’école comme à l’Ambassade
d’Irlande.
—
Mon choix va à la rouquine, murmura-t-il à Mason.
—
Impossible, mon pote. Elle est à moi, rétorqua celui-ci en claquant une main
sur son épaule.
Prévisible. Tout ce que Declan voulait, Mason le prenait. Encore et toujours le
roi de la casbah.
Un
chuchotement s’éleva derrière Declan.
—
Excuse-moi.
Le
timbre de voix profond et lourdement accentué pénétra l’esprit de Declan,
agissant comme une fourrure épaisse sur ses sens. Doux et lisse, cela lui
donnait envie de s’enrouler autour de lui, comme si c’était de l’herbe à chat.
Il se retourna pour découvrir le garçon le plus beau sur lequel il ait jamais
posé les yeux, se frayant un chemin dans l’allée. Une peau bronzée, des yeux
verts, un Adonis… en miniature. Définitivement
un gars qu’il aimerait baiser. Immédiatement, Declan commença à durcir. Son
fichu sexe faisait régulièrement de sa vie un enfer.
Declan
remarqua les vêtements européens sophistiqués, l’absence de fioritures et les
boucles noisette qui tombaient juste en dessous des épaules. Il ne devait pas
mesurer plus d’un mètre cinquante-sept et, bien que manifestement petit, les
épaules bien définies, la taille fine et les hanches étroites prouvaient qu’il
n’était pas maigrichon. Même à deux mètres, le gars irradiait d’une présence
dominante, d’un charisme qui bourdonna lentement le long de la colonne
vertébrale de Declan. Il ne pouvait qu’imaginer ses rêveries nocturnes dans un
proche avenir. Comme si j’en avais besoin
d’autres.
Il
étudia le jeune homme se tourner gracieusement sur le côté, dans une tentative
pour suivre son chemin, contournant trois filles qui bavardaient. Ce faisant,
ses livres glissèrent de ses mains et s’étalèrent sur le sol. Un petit « merde » s’échappa de ses lèvres
avec un bel arc de Cupidon tandis qu’il se penchait pour les ramasser. Les
filles ne firent aucun effort pour s’écarter de son chemin.
Utilisant
chaque once de résolution qu’il possédait, Declan dissimula son membre, se leva
et s’avança pour aider à réunir les livres.
—
Excusez-moi, mesdemoiselles…
Il
poussa sur le côté, d’un geste doux mais délibéré, la plus gênante des filles.
—
Hey ! Oh, désolée ! fit-elle en levant les yeux vers lui. Oh, mon
Dieu, tu es superbe. Est-ce que je te connais ?
Elle
battit des cils.
Declan
savait qu’il affichait la belle apparence commune aux Irlandais aux cheveux
noirs. Sa taille, son corps musclé, ses yeux saphir, sa peau crémeuse et
blanche, l’éclat de ses cheveux d’ébène n’était pas perdu pour ses pairs.
L’accent irlandais qu’il essayait durement de dissimuler ne faisait qu’ajouter
un plus à son air mystique. Du moins pour les Américains.
—
Je ne pense pas, non, répondit-il à la fille en se penchant pour aider à
rassembler les livres éparpillés.
Il
se releva et garda les ouvrages sous son bras, indiquant au petit Adonis
d’avancer. Les yeux perçants du gars contenaient une lueur de colère. Bizarre.
Peut-être qu’il ne voulait pas d’aide. Il lui tendit les livres en silence.
Avant que le jeune homme puisse les prendre des mains de Declan, la voix du
professeur Lowe résonna dans la pièce.
—
Monsieur de Quirke ! Avez-vous déjà perdu votre chemin jusqu’à votre
place ?
Declan
se retourna et adressa au professeur Lowe son meilleur faux sourire.
—
Non, monsieur. Je ne faisais qu’aider un nouvel étudiant.
Il
revint à sa place et posa les livres au bout du bureau, à portée de main du mec
de rêve.
***
Jean-Isidore
ne pouvait pas passer un seul moment de sa misérable existence en paix. Faire
tomber ses livres était le parfait commencement de sa nouvelle liberté aux
États-Unis. Si le reste de son année se passait de cette manière, son père
voudrait certainement le faire revenir. Et il refusait de retourner là-bas. Il
préfèrerait mourir plutôt que d’être renvoyé. Il avait pratiquement fait six
mille cinq cents kilomètres et par une cruelle ironie du destin, Declan de
Quirke était en Amérique et élève dans son école. Comme pour le railler
davantage, le destin l’avait installé au bureau de Declan et, bien sûr il devait être superbe. Après
des années de misère, pourquoi sa vie serait-elle devenue raisonnable
désormais ? Mon Dieu, pria-t-il. S’il vous plaît, faites en sorte que je ne
m’effondre pas maintenant.
***
Au
plus grand étonnement de Declan, le gars s’installa sur la chaise à côté de
lui. Son pouls s’accéléra, son cœur remonta dans sa gorge et son membre sauvage
commença à prendre la forme d’un mât en l’espace de quelques secondes. Bordel !
—
Merci, murmura le type magnifique.
L’accent
français sembla tirer Declan de sa rêverie et si le petit Declan possédait une
voix, il aurait crié grâce. Son pantalon l’étranglait. Problème !
—
Pas de problème, chuchota Declan.
Le
professeur Lowe tapa violemment sur le podium et la classe se calma.
—
Bien, mesdemoiselles et messieurs, je suis le professeur Lowe. Je serai votre
professeur principal pour l’année. Je serai responsable de vos besoins administratifs
tels que votre assiduité, vos inscriptions aux différents clubs et équipes
sportives, votre soutien scolaire et ainsi de suite. Considérez-moi comme votre
vieil oncle Edward. Sur une note plus sombre, comme la plupart d’entre vous le
savent, nous avons perdu un étudiant l’année dernière, suite à son suicide. Si
quelqu’un, n’importe qui, nous avait fait savoir que ce garçon avait des
problèmes, nous aurions pu lui venir en aide. Toutefois, nous avons une
nouvelle politique pour cette année. Nous avons institué un système de
« copain » et chacun d’entre vous se verra assigner un ami dont il
sera responsable. Vous devrez me faire part de tout ce qui pourrait être
anormal ou inhabituel à propos dudit ami. S’il a du mal, que ce soit ou non lié
à l’école, s’il vous plaît, n’hésitez pas à me le faire savoir. Nous voulons,
non seulement que nos étudiants réussissent, mais également qu’ils soient
heureux. Si votre ami ne vient pas à l’école, il est de votre responsabilité
d’appeler chez lui ou elle afin de découvrir pourquoi il ou elle est absent. Si
vous ne le faites pas, cela se traduira par un rapport négatif qui se cumulera
chaque jour jusqu’à ce que vous sachiez pourquoi votre ami est absent de
l’école.
Tout
le monde grogna.
—
Ce n’est pas juste ! déclara quelqu’un.
—
Exact. La vie est injuste, mais c’est ce que nous voulons faire afin de nous
assurer que nos étudiants vont bien.
Declan
réprima un soupir.
Big Brother est hors de
contrôle.
—
Très bien, alors tout le monde se tourne vers son voisin de table, se présente
à son ami assigné et échange son numéro de téléphone.
Bordel de merde ! Mon nouveau
copain est Adonis !
***
Jean-Isidore
faillit s’évanouir. Qu’avait-il fait pour mériter cela ? Pourquoi
était-il, parmi tous les élèves, désigné pour devenir l’ami de Declan de
Quirke ? C’était une situation impossible et il devait immédiatement faire
procéder à un changement. Il irait parler au professeur après la classe, lui
expliquerait les circonstances et demanderait à ce qu’on lui assigne un nouvel
ami.
***
Declan
se tourna pour faire face au gars magnifique, et de grands yeux chartreux le
contemplaient. Il sombra dans le vert translucide comme s’il avait traversé le
temps et atterri dans un autre monde. Des yeux superbes. Il devait l’avoir
dévisagé trop longtemps, parce qu’une légère teinte rose échauffa les joues
bronzées du jeune homme. Le gars baissa rapidement les yeux, montrant des cils
épais, formant des croissants sombres sur sa peau.
—
Declan, fit-il d’une voix fêlée, puis il se racla la gorge.
Échec cuisant.
—
Declan de Quirke, réussit-il finalement à sortir avant de tendre la main.
Le
jeune homme releva la tête.
—
Jean-Isidore de Sauveterre, répondit-il doucement.
Le
nom déclencha une alarme lointaine dans l’esprit de Declan, mais il ne parvint pas
à le replacer.
—
Enchanté de te connaître.
Il
lui serra la main. À l’instant où leurs mains se touchèrent, ses veines se
remplirent d’une chaleur infernale et, bien qu’il pense que c’était impossible,
son traître de sexe grossit davantage. Il ne pourrait jamais s’échapper du
cours sans que personne ne remarque son érection. Merde !
Les
yeux du jeune homme s’écarquillèrent très légèrement.
—
C’est un plaisir de te rencontrer également, Monsieur de Quirke.
—
Declan, juste Declan, parvint-il à dire tout en relâchant sa main.
—
Jean-Isidore, alors.
—
Préfères-tu que je rentre mon numéro de téléphone dans ton portable ou que je
l’écrive simplement ? demanda rapidement Declan.
—
Note-le, si tu veux, je ferai de même.
Declan
regarda les lèvres parfaites bouger. Le son doux de sa voix et son accent
français agissaient comme une sucrerie sur les sens de Declan. Prenant une
profonde inspiration, il dit :
—
Ouais, d’accord.
Il
déchira un morceau de papier de son carnet, griffonna son numéro dessus et le
fit glisser sur le bureau, vers la main de Jean-Isidore. Une main élégante avec
de longs doigts, aux ongles courts et manucurés. C’était une main qui semblait
appartenir à un artiste, un pianiste classique ou un chirurgien du cerveau. Sa
peau paraissait lisse et souple, et Declan se demanda ce que cela ferait de la
tenir. Qu’est-ce qui ne va pas chez toi,
de Quirke ?
Jean-Isidore
bougeait avec assurance, sortit un crayon de la poche de sa veste et écrivit
son numéro sur le même morceau de papier, à côté de son nom complet.
Contrairement à Declan, il plia soigneusement la feuille en deux, la découpa
avant de la faire glisser sur le bureau en direction de Declan. Puis il rangea
son crayon et se tourna pour faire face au professeur.
Declan
baissa les yeux sur le bout de papier. Écriture parfaite. Il dévisagea à
nouveau son voisin. Son front haut et ses pommettes encadraient un nez raffiné
qui menait à une bouche faite pour les baisers. Son profil était superbe, tout
comme le reste. Il était beau, sexy et Declan voulait le dévorer. Mec, as-tu perdu l’esprit ?
Declan
se tourna vers le professeur, s’efforça de se reprendre et de faire redescendre
son membre déloyal.
***
Dieu merci ! Declan avait cessé de le fixer. Jean-Isidore relâcha le souffle qu’il
retenait et tenta de calmer ses mains tremblantes. Le contact de Declan avait
été électrique et il n’y avait pas moyen de nier l’attirance instantanée, mais
ce n’était pas logique. Rien, dans ses recherches ou dans ce qu’il avait
entendu dire à propos de Declan de Quirke n’avait indiqué qu’il aimait les
hommes. Puis, il songea que ce n’était pas de notoriété publique non plus qu’il
était gay. Son père le tuerait si quelqu’un venait à le découvrir. Du coin de
son œil, il vit Declan taper sur son carnet avec son crayon. Il portait un
anneau en or blanc à son pouce droit et Jean-Isidore se demanda s’il avait une
signification. Il secoua mentalement sa tête pour repousser sa curiosité
inutile et essaya de se concentrer sur ce que le professeur disait.
***
—
Très bien, entonna le professeur Lowe. Nous allons faire le tour de la salle.
Déclinez votre nom et dites quelque chose à propos de votre famille.
Traduction : qui sont vos
parents et que font-ils ? Declan eut l’impression
de se retrouver catapulté à l’époque où il était en maternelle. Quand ce fut
son tour, il se leva et donna son nom.
—
Et ma mère est l’ambassadeur d’Irlande pour les États-Unis.
Il
s’assit rapidement.
—
Et votre père ? l’interrogea le professeur Lowe.
Un
étau se resserra autour de son cœur, sa poitrine se comprimant sous l’effet de
son anxiété. Il ne voulait pas parler du décès de son père en public. Il ne
savait pas comment il pourrait le faire, même s’il le voulait. Il mâchouilla sa
lèvre inférieure pour retenir l’émotion qui menaçait de le submerger. Des larmes
inachevées perlèrent et une rougeur embarrassée envahit son visage. Je suis tellement paumé !
Il
se leva brusquement, les pieds de sa chaise raclèrent bruyamment le sol et il
quitta la pièce.
—
Monsieur de Quirke ! l’appela le professeur Lowe.
***
Jean-Isidore
resta assis, figé. L’aura de tristesse qui avait irradié de Declan était
palpable et avait reflété son propre profond chagrin. Il voulait s’élancer
après Declan, lui dire qu’il comprenait.
Le
professeur Lowe haussa la voix et elle se répercuta dans le couloir tandis
qu’il criait après Declan.
Jean-Isidore
ferma les yeux. Combien de fois l’avaient-ils frappé pour ses larmes ?
Combien de fois s’était-il réfugié dans la paisible obscurité de son esprit
afin d’éloigner la douleur ? Le professeur Lowe aboya à nouveau et une
sensation de dégoût augmenta en lui. Salaud !