Tharros en français Chapitre Deux

CHAPITRE DEUX



Morts. Michael marqua une pause, ses entrailles se tordant, la seule pensée que ces criminels auraient pu assassiner Christy menaçait de le submerger. Et il était sacrément certain qu’il ne voulait pas qu’il regarde des photos de personnes mortes.
— Christy a quitté la Grèce depuis un an. Comment pourrait-il savoir qui ils sont ?
— D’après ses propres dires, au moins neuf d’entre eux étaient sur le yacht avec lui quand il était là-bas, répondit Nero.
Il adressa un coup d’œil méfiant à l’avocat.
— Ce ne serait pas bon pour Christy de voir ces photos, surtout après le kidnapping.
Nero hocha la tête.
— Tu as probablement raison. Dis-moi, Christy t’a-t-il parlé d’autres victimes ?
Michael secoua la tête.
— Jamais.
— Des enfants ou d’autres jeunes hommes apparaissent-ils dans ses peintures ?
Christy était un artiste incroyable et une partie de sa thérapie consistait à peindre ou à dessiner. Il avait plus de vingt chevalets dans son loft, la plupart d’entre eux montrant des peintures de la mer. Mais il y avait d’autres tableaux – des peintures macabres de ce qu’il avait enduré et il les gardait recouvertes par des draps. Ceux-ci seraient utilisés comme preuves dans un procès contre les agresseurs de Christy.
— Je n’en ai vu aucun, mais je n’ai pas vu toutes ses peintures.
— N’a-t-il jamais parlé de ses tortionnaires ?
Michael réfléchit à la question.
— Quand il m’a montré les cicatrices sur sa cuisse intérieure, il m’a dit que les lettres marquées au fer rouge étaient les initiales de ses agresseurs et que son père ne se souciait pas de ce qu’ils lui faisaient. Puis, quand le Général Sotíras est venu ici, il y a deux semaines, il a dit que le patron du général était sur les tableaux.
— N’a-t-il jamais mentionné une femme ?
— Non. Pourquoi ?
— Ils ont arrêté une femme qu’ils pensent être la personne qui s’occupait des victimes. Le Général Sotíras craint que ce soit un problème beaucoup plus vaste qu’un simple réseau de pédophilie par quelques politiciens puissants et des hommes d’affaires influents.
— Un cartel de trafiquants ? demanda Mac.
Nero hocha sombrement la tête.
Et les coups continuaient simplement de tomber. Michael secoua lentement la tête. Il ne savait pas pourquoi cela le surprenait. Les hommes – les animaux – qui avaient abusé de Christy étaient les criminels les plus odieux auxquels il pouvait penser. Il avait voulu le protéger à partir du moment où il l’avait rencontré et avait vu l’horrible cicatrice autour de son cou. Sa seule mission était de garder Christy en sécurité, de le prendre dans ses bras, de le protéger de tout le mal de ce monde et de faire en sorte qu’il ne lui arrive jamais rien. Et il avait échoué.
— Ce ne serait pas bon pour Christy de voir ces photos, Monsieur Santini. Pouvons-nous… au moins lui laisser un peu de temps pour se remettre de son enlèvement avant que vous lui demandiez de les regarder ?
— Le Général Sotíras ne peut pas retenir la femme sans une déclaration de quelqu’un et il est trop tôt pour interroger les victimes qui ont survécu.
Les intestins de Michael firent à nouveau des nœuds avec un sentiment d’angoisse simultané pour Christy et une recrudescence de sa haine à l’égard de Yosef. Christy avait du mal à faire face à ses mauvais souvenirs et il s’effrayait facilement, il ne pouvait alors pas se défendre lui-même. Quand il avait peur, une forme de catatonie prenait le dessus et il se retirait en lui-même. Son regard se perdait dans le vague et il se réfugiait dans un endroit où il ne pouvait pas entendre Michael – et dont il ne pouvait pas toujours revenir sans l’aide médicale de son père. Et à cause de cela, Michael se sentait totalement impuissant. Qu’il soit damné s’il allait laisser quelque chose bouleverser Christy et il ne voulait plus jamais se sentir aussi inutile. Jamais.
— Il est beaucoup plus fort qu’il ne l’était et il est déterminé à aller mieux, peu importe quoi, mais l’enlèvement a ramené tout cela à la surface. C’est à nouveau très douloureux et difficile. Avez-vous interrogé Rob à ce sujet ?
Comme si c’était le signal qu’il attendait, Rob Villarreal, le psychiatre de Christy, entra dans la chambre.
— Quand on parle du diable… dit Mac pour l’accueillir gentiment tandis qu’ils se serraient la main.
— L’êtes-vous ? répondit Rob avec un sourire.
— Michael venait juste de parler de vous.
Rob serra la main de Nero avant de se tourner vers Michael et de serrer gentiment son épaule.
— Michael.
— Hey, Rob. Nous avons besoin de vos conseils.
Succinctement, Nero expliqua la situation.
Rob haussa les sourcils avec consternation.
— Quelle horrible nouvelle.
— Sans déconner ? dit amèrement Michael.
Les petites lignes autour des yeux de Rob se plissèrent très légèrement au juron de Michael.
— Christy a beaucoup évolué au cours de l’année écoulée et il est devenu nettement plus fort depuis qu’il a rencontré Michael, mais je ne peux pas prévoir quelle sera sa réaction.
Rob marqua une pause avant de poursuivre.
— Ceci étant dit, il sera furieux si vous lui cachez cette information et qu’il le découvre plus tard.
Les entrailles de Michael se retournèrent un peu plus. Il aurait dû penser à ça.
— Exactement.
— Je préfèrerais que Nero l’interroge ici où j’ai tout ce dont j’ai besoin sous la main pour lui venir en aide, dit Mac.
— Quand pensez-vous pouvoir le relâcher ? demanda Rob.
— Sauf complications imprévues dans les radios de ses jambes, j’espérais libérer Michael et lui demain matin.
— Sérieusement ? demanda Michael, ses intestins se relâchant légèrement et son esprit s’éclaircissant.
— Je pense que oui. Tu n’as pas besoin de rester à l’hôpital pour continuer ta rééducation.
C’était la meilleure nouvelle que Michael avait entendue de la journée.
— Et qu’en est-il de Jake et de Sophia ?
— Encore quelques jours pour eux, mais ils rentreront bientôt à la maison.
Le cœur de Michael grimpa en flèche.
L’infirmière Carol, leur infirmière attitrée, ramena Christy dans la chambre, assis dans un fauteuil roulant. Il tenait un énorme bol de Jell-O à la cerise sur ses genoux.
Le cœur de Michael fondit en le voyant et toute sa colère et sa frustration disparurent. Christy était son premier petit ami, son premier amour, son seul et unique tout. Christy était tout son monde.
— Hey, bébé, où as-tu eu ça ? demanda-t-il en le serrant contre lui.
Christy avala une bouchée de Jell-O et afficha un petit sourire.
— Bonjour, Docteur Sattler, hello, Kýrios Santini, salut, Rob. Carol me l’a donné, répondit-il, son accent grec pratiquement indiscernable.
— Il m’a harcelé à mort pour l’avoir, plaisanta Carol.
— Cool.
Michel leva sa main nouvellement bandée pour un high-five et la baissa rapidement quand Christy menaça de la claquer avec une cuillère collante.
— Je ne veux pas de Jell-O sur mon bandage.
Christy eut l’air incertain, comme s’il avait peut-être fait quelque chose de mal.
— Je n’ai pas pensé à ça. Je m’excuse.
Michael passa doucement sa main dans les longues boucles blondes de Christy qui lui arrivaient à la taille.
— Pas de soucis.
Mac adressa un regard acéré à Carol. L’un de ces regards d’un médecin à une infirmière qui lui indiquait qu’elle devait rester dans la chambre.
— Emballé par le Jell-O, hein ? demanda-t-il.
— Emballé ? interrogea Christy.
— Tu aimes bien, clarifia Mac.
Christy avala une autre bouchée.
— Je ne connaissais pas ça jusqu’à ce que j’arrive aux États-Unis. J’aime beaucoup.
Mac sourit.
— Cela a très peu de valeur nutritive. S’il te plaît, assure-toi d’en manger plus.
Un des sourcils de Christy plongea, créant un petit froncement de sourcils étrange. Depuis la première fois que Michael l’avait vu, il l’adorait.
— Ce n’est pas bon pour moi ? demanda Christy.
— Ce n’est pas mauvais pour toi. C’est surtout que ça n’apporte pas grand-chose concernant les vitamines et les nutriments.
— Oh ! dit-il avec regret comme si Mac avait gâché sa journée.
— Tu peux toujours en prendre, mais papa veut que tu manges d’autres choses aussi, le rassura Michael.
Le visage de Christy s’éclaira au début, puis se renfrogna à nouveau quand il regarda Michael.
— Pourquoi es-tu aussi sérieux ? Tu sembles être en colère.
— Vraiment ?
— Oui. Je peux le voir.
— Eh bien, d’accord.
Michael se gratta la tête.
— Je ne suis pas en colère. Je suis un peu inquiet, c’est tout.
— C’était seulement des radios de mes jambes, agapiméne mou. Je peux faire ça.
Michael sourit au petit terme d’affection grec et son cœur se gonfla de fierté. Christy luttait tellement pour être indépendant et Michael ne voulait rien faire pour l’en empêcher.
— Je sais, mais je peux m’inquiéter pour toi, non ?
— Tu t’inquiètes comme si j’étais tout un pays peuplé de nombreuses personnes. Je ne suis qu’un homme. Ne t’inquiète donc pas autant pour moi.
— Très bien, rétorqua Michael, faisant semblant de s’en moquer.
— Carol a dit que tu avais passé une bonne nuit, hier, hasarda Mac.
Christy leva les yeux vers lui, son visage s’assombrissant.
— La nuit dernière était bonne.
— Vos rêves concernent-ils l’enlèvement ou d’autres choses ? demanda gentiment Rob.
Michel se tendit. Cela lui avait pris un certain temps pour s’habituer aux questions directes de Rob. Il avait appris depuis que c’était bon pour Christy parce qu’elles le faisaient réfléchir aux choses importantes, mais parfois elles le poussaient trop loin et faisaient resurgir son tempérament enflammé.
— Ils sont sur l’époque où j’étais avec Yosef en Grèce. C’était un très mauvais moment pour moi. Je ne souhaite pas en discuter. Je veux simplement qu’il aille en prison.
Michael jeta un coup d’œil à son père qui lui indiqua d’un geste de lui annoncer la nouvelle. Il s’installa maladroitement à côté du fauteuil roulant de Christy, veillant à garder sa mauvaise jambe droite.
— Nous avons quelques bonnes nouvelles, bébé.
Christy avala une autre bouchée de Jell-O.
— L’expression de ton visage m’indique que ce ne sont pas de bonnes nouvelles.
— Il y en a de bonnes et des mauvaises. La bonne, c’est que le président de la Grèce a révoqué l’immunité diplomatique de Yosef ce matin. Il a été arrêté et il est en prison maintenant.
Christy ferma les yeux, sa cuillère suspendue à mi-chemin de sa bouche. Une seule larme s’échappa de ses cils blonds et coula lentement sur sa joue. Michael prit son visage d’une main et l’essuya avec son pouce.
— Parle-moi.
Christy ouvrit les yeux et croisa le regard de Michael et d’autres larmes tombèrent.
— C’était mon plus grand souhait.
— Et maintenant, ton souhait est devenu réalité, dit doucement Michael en essuyant délicatement ses larmes.
Christy sécha une autre larme du dos de sa main bandée.
— Je vais faire un autre souhait. Je souhaite qu’il y reste.
— Il le fera, lui assura Nero.
Christy tourna ses yeux mélancoliques vers Nero.
— Vous ne pouvez pas faire cette promesse. Vous ne pouvez pas contrôler les actions des autres.

— Rassurez-vous, je vais faire tout ce qui est en mon pouvoir pour le garder là.
— Je vous crois.
Christy étudia sa cuillère pendant un moment, puis la posa dans le bol, le Jell-O ne l’intéressait plus.
Michael embrassa une autre larme solitaire.
— Monsieur Santini a quelques questions pour toi à propos de la Grèce. Te sens-tu en état de répondre ?
Christy regarda le Jell-O pendant un autre moment interminable.
— Le Général Sotíras a trouvé le yacht.
C’était une affirmation, pas une question.


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