CHAPITRE QUATRE
Michael
boita dans le couloir, son garde de sécurité pour la nuit le suivant comme un
chiot perdu. Jake. Son meilleur ami depuis le jour de sa naissance, ou plutôt,
le frère qu’il n’avait jamais eu. Il avait eu si sacrément peur de le perdre. Seigneur, je te déteste, Yosef Sanna !
—
Vous avez besoin de dormir, Michael, le réprimanda Carol lorsqu’il passa devant
le bureau des infirmières.
Il
ne fit que hocher la tête. Il ferait ses tours, peu importe les conséquences
vis-à-vis de son père. Il poussa la porte de la chambre de Jake et fut content
de trouver Sophia à son chevet.
—
Hey…
Il
alla vers elle et l’embrassa sur la joue.
Elle
eut un petit sourire.
—
Il va bien. Il s’est de nouveau réveillé et a parlé. Ton père était inquiet à
propos de sa manière de prononcer, mais tout est bon.
Ses
mots étaient doux, prononcés avec un accent britannique et une pointe d’accent
grec.
Un
peu plus de soulagement s’infiltra dans le cœur de Michael alors qu’il
regardait la tête bandée de Jake.
—
Excellent. Qu’a-t-il dit ?
—
Qu’il m’aimait et qu’il voulait en savoir plus sur Christy et sur toi.
Michael
fit de son mieux pour masquer un brusque déferlement d’émotions, mais perdit la
bataille.
—
On dirait que quelqu’un a éclairé ta journée. Ce sont de bonnes
nouvelles ?
Il
se ragaillardit.
—
Ouais, ça l’est. Je suis content qu’il ne se souvienne pas de l’agression.
Il
prit sa petite main dans la sienne. Elle ressemblait tellement à la main
délicate de Christy.
Elle
serra ses doigts.
—
Vous allez bien vous en sortir tous les deux.
Ayant
peur que ses émotions ne cèdent, il hocha simplement la tête.
—
Christy est-il endormi ?
—
La plupart du temps. Il se réveille pendant une minute et…
Il
ravala la boule qui s’était formée dans sa gorge.
—
Il a dit que je réfléchissais trop, puis quelque chose qui ressemblait à
sa-ga-po.
Sophia
se mit à rire doucement.
—
Donc, il l’a dit pendant qu’il était réveillé.
—
Que veut dire sa-ga-po ?
Elle
devint sérieuse.
—
Tu ne sais pas ?
Il
secoua la tête.
—
Oh, Michael ! Ça veut dire je t’aime.
Des
larmes emplirent ses yeux. Peu importe combien de fois il avait prononcé ces mots
à Christy, celui-ci ne les lui avait jamais retournés. Il avait besoin de les
entendre maintenant, plus que jamais, et son cœur grimpa en flèche.
—
Ils vont aller bien et nous aurons une vie merveilleuse, le rassura Sophia.
Il
l’en aima davantage pour ses paroles.
—
Je n’ai jamais eu la chance de te féliciter pour tes fiançailles avec mon
meilleur ami.
Elle
sourit largement.
—
C’est fantastique, non ? Nous formerons une famille. Christy et toi, Jacob
et moi. Une merveilleuse famille.
—
Pas avant quelques années encore. Nous devons aller à l’université.
Elle
prit sa joue en coupe, d’une main douce.
—
Peut-être que, maintenant, l’université n’est pas si importante.
Il
déglutit de manière audible et hocha la tête. Qui savait ce qui resterait du
cerveau de Jake après un coup de batte de baseball sur la tête ? Il leur
restait moins d’un mois de leur dernière année de lycée et il craignait que
Jake ne soit même pas en mesure de la terminer.
—
Resteras-tu… ?
Il
ne pouvait se résoudre à poser la question.
—
Je ne pourrais jamais le quitter. Je l’aime autant que tu aimes Christy,
répondit-elle doucement à sa question inachevée.
Il
ferma les yeux, dans un effort pour repousser encore plus d’émotions.
—
Merci.
Elle
tapota doucement sa joue.
—
Mariés ou non, nous sommes une famille maintenant, Michael.
La
culture européenne lui paraissait toujours tellement différente. Il avait
grandi avec les parents italiens de Jake, mais n’avait jamais tout à fait
réussi à s’habituer à leurs effusions familiales. Bien que ses parents soient
très amoureux l’un de l’autre, et très affectueux avec lui, qu’ils étaient
totalement cool avec le fait qu’il soit gay, qu’ils aimaient Christy, ils
n’étaient pas aussi démonstratifs que pouvaient l’être les européens. Il posa
sa main sur la sienne qui était toujours sur sa joue. Pendant un moment, juste
l’espace d’un instant, il avait besoin d’un contact. Elle était son seul lien
avec Christy et Jake.
—
Christy a raison. Tu réfléchis beaucoup trop, le taquina-t-elle.
Il
ouvrit les yeux et lui sourit.
—
Comment vas-tu ?
—
Moi ? se moqua-t-elle. Je suis vivante. Je vais bien. Je suis avec ceux
que j’aime. C’est tout ce qui compte.
—
Tu es aussi angélique que Christy, s’émerveilla-t-il.
Elle
redevint sérieuse.
—
Non, Michael. Tu es l’ange de notre
nouvelle famille.
Elle
secoua la tête comme si elle voulait laisser cette conversation derrière eux.
—
Comment vas-tu vraiment ?
Elle
sourit.
—
J’ai donné une nouvelle idée à mon agent. Je crois que je devrais défiler avec
mes cicatrices à la vue de tous, dit-elle avec un petit rire.
Il
réprima une grimace. Elle avait été parfaite, magnifique, l’équivalent féminin
de son beau Christy. Maintenant, elle arborait de sévères cicatrices.
—
Sérieusement ?
Elle
dissimula sa fierté pulvérisée par un autre rire.
—
Pourquoi pas ?
Son
rire était sensuel, profond, réchauffant ses sens et si semblable à celui de
Christy.
—
Pourquoi pas ? répéta-t-il doucement.
Elle
caressa ses cheveux châtains indisciplinés.
—
Va dormir, Michael. Il est minuit et tu es épuisé. J’ai dormi une grande partie
de la journée et je pourrai veiller sur eux pendant que tu te reposes.
Il
était exténué. Il était resté au chevet de Christy et de Jake pendant deux
semaines et avait passé des heures à parler avec Sophia, omettant souvent de
manger et de dormir. Seuls Carol et son père lui avaient fait garder une sorte
de routine.
—
Ouais, mon pote, va dormir, gronda la voix profonde de Jake.
—
Tu es réveillé ?
Jake
ouvrit ses yeux couleur chocolat noir, regarda Michael et appuya sur le bouton
de contrôle pour relever le lit et le mettre en position assise.
—
Non, mec, je parle en dormant. Bien sûr que je suis réveillé. Sophia ne peut
pas s’empêcher de me régaler de l’histoire de tes exploits et de ta presque
arrestation pour t’être faufilé dans un avion.
Michael
sourit.
—
Je le referais.
Jack
devint sérieux.
—
Je n’en doute pas. Comment va Christy ?
—
Bien. Papa l’a mis sous sédatif la nuit jusqu’à ce que les cauchemars
disparaissent.
—
Et toi ? Comment vas-tu, mec ?
—
Je vais bien.
—
Que dit ton père à propos de ton genou ?
Michael
ne voulait pas en parler.
—
C’est la dernière chose dont tu devrais t’inquiéter, mec.
—
Va te faire voir.
Michael
se força à sourire.
—
Nous avons réussi, mon pote. C’est tout ce qui compte.
Jake
le regarda longuement.
—
Sacrément incroyable, non ?
Michael
n’avait jamais vu de lueur de peur dans les yeux de Jake auparavant et, si
c’était possible, il détesta Yosef encore plus en cet instant. Il prit la main
libre de son ami dans la sienne.
—
Il en faut plus que ça pour nous abattre, Jake.
Celui-ci
lui lança un regard dubitatif.
—
Sérieusement, dit Michael pour le rassurer et il changea de sujet, évoquant
celui qui le gênait un peu.
Une
petite partie de lui ne voulait pas quitter l’hôpital sans son meilleur ami.
—
Nous allons rentrer à la maison demain. Cela te va ?
—
Bien sûr que ça me va. Nous sortirons d’ici dans un jour ou deux.
Michael
serra la main de Jake, se battant toujours contre ses émotions.
—
Ouais, d’accord. Je vais aller me pieuter pour quelques heures.
Il
se pencha pour étreindre Jake.
—
Lâche-moi, mon petit gay, plaisanta-t-il.
Michael
se redressa avec un sourire. C’était agréable d’entendre Jake le taquiner à
nouveau.
—
Tu sais que tu aimes ça. Soigne-toi bien. Nous n’allons pas rater le bal de
promo, mon pote.
—
De quoi parles-tu ? Tu détestes danser.
—
Pas à celui-ci.
Jake
le dévisagea comme s’il lui était poussé un troisième œil.
—
Tu es sérieux.
—
Tout à fait.
—
Tu es certain de ne pas avoir été frappé à la tête, comme moi ? Tu ne peux
même pas danser.
—
Nous irons.
—
Il y a quelque chose qui cloche avec toi, mon pote.
—
Nous irons, insista Michael, bien qu’il riait à moitié.
—
Oh, mec, je déteste danser, dit Jake en faisant semblant de gémir.
Cette
fois, Michael se mit à rire.
—
Débrouille-toi avec, mec.
Sophia
étreignit Michael.
—
Nous ne manquerons pas votre bal de promo.
Michael
écouta la respiration douce de Christy, pendant quelques instants. Il dormait à
poings fermés, paisiblement et il l’embrassa sur le front une dernière fois.
—
Fais de beaux rêves.
Il
se dirigea vers son lit et, sans trop de difficulté ni de douleur, enleva sa
genouillère et grimpa sur son matelas. Il se tourna sur le côté afin de pouvoir
regarder Christy et s’endormit en l’espace de quelques secondes.
…/…
À suivre